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Origine d’amovr. CXIII.


LA naiſſance de cette paſſion eſt icy repreſentée fort à propos par vne ieune Beauté, qui tient d’vne main vn Miroir rond, qu’elle oppoſe aux rayons du Soleil, dont la reflexion allume vn flambeau qu’elle porte en l’autre main ; & au deſſous du Miroir ſe void vn Rouleau, où ſont eſcrites ces paroles, Sic in corde facit Amor incendivm, qui ſignifient,

C’eſt ainſi que l’Amour s’allume dans mon cœur.

Bien que pluſieurs s’eſtudient de prouuer par diuers exemples, que l’Amour ne s’engendre pas ſeulement de la veuë, mais encore de l’oüye ; pource, diſent-ils, qu’ils n’eſt pas incompatible, que cette paſſion ne ſe communique par les oreilles, comme par les yeux, qu’on peut appeller les deux feneſtres de l’Ame ; Ie ſuis neantmoins pour l’vn pluſtoſt que pour l’autre : car il me ſemble que pour charmant que ſoit vn recit des beautez de quelque Dame, il n’eſt pas poſſible qu’il y faſſe vne auſſi forte impreſſion, que celle qu’y s’y fait d’ordinaire, quand nos yeux en ſont les teſmoins & les Iuges. Ie veux que l’oüye nous porte à aymer ; il ne s’enſuit pas pourtant qu’elle ſoit vn ſujet d’amour ; car elle ne fait ſeulement que frapper l’imagination des merueilles qu’on raconte d’vne belle choſe, au lieu que la veuë nous en confirme effectiuement la creance. Il ſeroit bien difficile de contredire cette verité, quand il n’y en auroit point d’autre preuue que celle qu’en donne le docte Ficin en ſon dixieſme diſcours ſur le Banquet de Platon. C’eſt là qu’il monſtre, que la maladie amoureuſe procede de la mutuelle rencontre des yeux ; & là meſme qu’il en donne pluſieurs belles raiſons, où ie vous renuoye pour n’eſtre ennuyeux.

Or cette rencontre d’où vient l’Amour, ne ſe peut mieux figurer que par celle du Soleil & du Miroir, oppoſez l’vn à l’autre ; Où il eſt à remarquer, que ce Miroir rond & tranſparent, dont il eſt icy queſtion, eſt de la nature de ceux que deſcrit Plutarque en la vie de Numa Pompilius, ſecond Roy des Romains, où il dit, Que les Vierges Veſtales en ſouloient vſer, pour recouurer le feu du Ciel, quand celuy qu’elles gardoient