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membres nerueux, le teint brun, les cheueux rudes, l’œil brillant, & qui n’eſt guere fendu. Elle tient au reſte vne Lance en la main droite, auec vne branche de Cheſne ; Et en la gauche vn Eſcu, au milieu duquel eſt peint vn Lyon, qui combat vn Sanglier.

Bien que les valeureux efforts que l’on fait pour lutter contre les choſes difficiles, conuiennent à toutes les Vertus particulieres, ſi eſt-ce que l’execution n’en appartient qu’à la Force, le propre de laquelle, eſt de ſouffrir courageuſement pour l’amour de la Vertu toute ſorte d’euenemens, & de fortunes contraires. Que ſi on la peint Femme, ce n’eſt pas pourtant que l’on pretende qu’elle doiue eſtre effeminée ; mais c’eſt pluſtoſt pour en accomoder la Figure à la façon de parler.

Ses armes ſont des ſymboles de la force de ſon corps ; Et le Rameau qu’elle tient en main en eſt vn de celle de ſon eſprit. Par l’vn elle reſiſte aux armes materielles ; Et par l’autre, aux ſpirituelles, qui ſont les vices. Ce qui nous eſt demonſtré par le Cheſne, arbre que les Poëtes ont touſiours creu plus fort que les autres, ſoit à cauſe qu’il ſe roidit contre la violence des vents & des eaux, ſoit pource que l’on en fait des machines, qui durent long-temps, de quelque peſant fardeau qu’elles ſoient chargées : Auſſi eſt-ce pour cela que les Latins appellent de ſon nom les hommes forts & robuſtes. La Lance qu’elle porte ſignifie, Que ce nous eſt vne choſe naturelle de repouſſer la violence qui nous eſt faite iniuſtement, & de nous aider pour cét effet des forces que nous auons.

Lib. 2. Que s’il en faut croire Pierius, par le combat du Lyon & du Sanglier, peint en ſon Eſcu, nous ſont declarées les deux forces du corps & de l’eſprit. Car au lieu que le Sanglier ſe precipite à chaque rencontre ; Le Lyon au contraire meſnage auec adreſſe, ſoit qu’il attaque, ou qu’il ſe deffende.

Hier. lib. 2. Ie diray à ce propos, qu’il me ſouuient d’auoir leu dans Orus, que les Egyptiens repreſentoient la Force par vne femme de complexion vigoureuſe, qui auoit ſur ſa teſte les deux cornes d’vn Taureau, & à ſon coſté vn Elephant, auecque ſa trompe droite. En effet l’experience ne monſtre que trop qu’il n’y a point d’animaux plus forts que ceux-cy ; Ce qui fait dire au Cic. lib. 2. Senec. ſage Caton, Qu’il n’auoit iamais ſouhaitté les forces de l’vn, ny celles de l’autre en ſa plus verte ieuneſſe.