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LES FEMMES POÈTES BRETONNES

Comme ils aimaient, mes yeux, quand ils quittaient la terre,
Et que, voilés d’amour, ils demandaient aux cieux
Quelques jours d’un bonheur dont le vague mystère
Se révélait à moi, quand sa voix mensongère
Vibrait en sons mélodieux ;

Quand sa main se posait dans les boucles flottantes
De mes cheveux, mêlés par le souffle du vent,
Et qu’alors, tressaillant, ses lèvres palpitantes
Cherchaient à retenir les feuilles inconstantes
Qui sur mon front volaient souvent ;

Quand à mes pieds, heureux, enivré de m’entendre,
Il écoutait mes chants, m’appelait ange, amour,
Et tout ému, disait : « Ton cœur est triste et tendre,
« Et ton chant vient du cœur, et seul, pour te comprendre,
« Moi, je n’ai besoin que d’un jour. »

Les feuilles sont encor par le vent emportées ;
La lune brille encor d’un éclat aussi pur ;
Mais rien ne vous ramène, heures tant regrettées,
Que son amour avait parmi mes jours jetées
Et qu’il couvre d’un voile obscur.

Mes yeux ne sont plus doux, ils sont fixes et sombres ;
Mes longs et beaux cheveux tombent en noirs flocons ;
Et je vais, triste et seule, errer parmi les ombres,