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LES FEMMES POÈTES BRETONNES

Du sol qui la reçoit s’empare lentement ;
Que je la voudrais voir, cette mer destructive
Dont chaque flot qui meurt est une voix plaintive
Qui remplit avec lui le terrible élément.

Ah ! que ne puis-je entendre, au lieu des bruits du monde,
Le bruit du vent qui siffle et qui s’engouffre et gronde
Au milieu des débris d’un manoir féodal ;
Puis l’aigre tintement de la cloche du pâtre
Rappelant près de moi, sur la roche noirâtre,
La chèvre qui bondit, docile à ce signal.

Oh ! que ne puis-je, au lieu des pavés d’une rue,
Fouler l’herbe des bois, dans les déserts accrue,
Et ne voir au delà que le ciel et la mer ;
La mer qui, m’emportant seule, errante, oubliée,
Comme une voile au loin sur elle repliée,
Endormirait peut-être un passé trop amer.

Ainsi dans un hamac, mollement balancée,
La jeune Indienne oublie, endormie et lassée,
L’orage du matin, quand le ciel, beau, le soir,
Sur des nuages d’or laisse flotter les songes,
Et que, sans oser croire à leurs riants mensonges,
Elle sourit pourtant à ce qu’ils lui font voir !

Dieu ! qu’être ainsi bercée au-dessus d’une vague,
Quand la terre qui fuit disparaît dans le vague,