LE BAL
Heureux temps, où mes pieds dans leur folle vitesse
Semblaient ne pas peser sur le parquet glissant,
Où mes regards, n’ayant ni langueur, ni tristesse,
Trouvaient tout ravissant !
Où je ne cherchais pas, jalouse et soucieuse,
Du regard un regard, d’une main une main ;
Où le bal le plus beau, pour mon âme oublieuse,
Était sans lendemain ;
Où jamais, au retour, une pensée amère,
N’ayant entremêlé de pleurs un court adieu,
Je m’endormais, donnant un baiser à ma mère,
Une prière à Dieu.
Que l’on m’eût dit alors : « Tu deviendras rêveuse,
Puis triste, toujours triste ! » oh ! j’aurais ri longtemps,
Sans comprendre qu’on pût se trouver malheureuse
Plus de quelques instants.
Car ma jeune âme était paisible comme l’onde
Sur laquelle un beau jour, avant l’orage, a lui
Et souriait au monde, hélas ! tant que ce monde
Pour moi n’était pas Lui !…