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LES FEMMES POÈTES BRETONNES

LE BAL

Heureux temps, où mes pieds dans leur folle vitesse
Semblaient ne pas peser sur le parquet glissant,
Où mes regards, n’ayant ni langueur, ni tristesse,
Trouvaient tout ravissant !

Où je ne cherchais pas, jalouse et soucieuse,
Du regard un regard, d’une main une main ;
Où le bal le plus beau, pour mon âme oublieuse,
Était sans lendemain ;

Où jamais, au retour, une pensée amère,
N’ayant entremêlé de pleurs un court adieu,
Je m’endormais, donnant un baiser à ma mère,
Une prière à Dieu.

Que l’on m’eût dit alors : « Tu deviendras rêveuse,
Puis triste, toujours triste ! » oh ! j’aurais ri longtemps,
Sans comprendre qu’on pût se trouver malheureuse
Plus de quelques instants.

Car ma jeune âme était paisible comme l’onde
Sur laquelle un beau jour, avant l’orage, a lui
Et souriait au monde, hélas ! tant que ce monde
Pour moi n’était pas Lui !…