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MADAME DÉSORMERY

« Par vos travaux ornez vos charmes ;
Filez, mes compagnes, filez ;
C’est à moi de verser des larmes :
Mes plus beaux jours sont envolés.

« J’ai vu deux fois, dans nos campagnes,
Couper la tige des moissons.
J’ai vu deux fois, sur nos montagnes,
La neige céder au gazon.

« Et je garde, en ma rêverie,
Un souvenir infortuné ;
On meurt aux plaisirs de la vie,
Lorsque l’on perd un premier-né.

« Votre joie augmente vos charmes ;
Chantez, mes compagnes, chantez ;
Mes yeux ne trouvent plus ces larmes,
Dont vos beaux yeux sont humectés.

« Bientôt vous deviendrez épouses.
Ah ! si l’hymen vous a souri,
Que l’oubli des Parques jalouses
Protège votre fils chéri.

« Mes compagnes, devenez mères.
Filez pour vos jeunes enfants ;
Je filais comme vous, naguères,
Et le bonheur dictait mes chants.