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MADAME DÉSORMERY

À la félicité qu’un instant m’a ravie
Le ciel même semblait accorder un aveu,
Et pourtant aux plaisirs, aux charmes de la vie,
J’ai dit un long adieu.

Adieu… quoi ? pour toujours !… plutôt que d’être encore
Soumise aux traits cruels lancés par le destin,
Ne puis-je disparaître ainsi qu’un météore
Au souffle du matin ?

Mais quel nouveau transport me surprend et m’agite ?
Un regard du Seigneur est tombé jusqu’à moi ;
Bientôt je serai mère et mon sein qui palpite
Ne connaît pas l’effroi !

Comme l’azur des cieux brille après la tempête,
De même à la douleur succède le plaisir ;
L’avenir me promet encor des jours de fête :
Je ne veux plus mourir !

Ajoute à son bonheur le bonheur de sa mère,
Grand Dieu, dans cet enfant épuise ta bonté.
Que le cours de ses ans, pur comme une onde claire,
Ne soit point agité.

À ton ordre divin, à ta voix vengeresse,
Je reprends tous les droits que j’eus sur mon époux ;
Son cœur m’accorde enfin cette unique tendresse
Dont le mien fut jaloux.