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LES FEMMES POÈTES BRETONNES

Cachait les lys de ton visage.
Ô toi qui dans la tombe enfermas tes secrets,
Dis-moi quel trait amer s’enfonça dans ton âme,
Vouée à d’impuissants regrets !
D’un objet séducteur partageais-tu la flamme,
Ou livrée aux ennuis d’une sombre langueur,
Se peignant la douceur d’un transport légitime,
Ne pouvais-tu survivre à l’espoir du bonheur ?
N’importe, dors en paix, trop touchante victime.
Eh quoi ! tes mânes désolés
Auraient-ils accueilli mon passager hommage ?
Ce doux bruit qui s’élève à travers le feuillage
Répondrait-il à mes esprits troublés ?
Fuyons, j’ai cru goûter de la naïve enfance
Le charme qu’à regret on voit s’évanouir,
Mais ce charme des maux est l’heureuse ignorance,
Deux fois on n’en saurait jouir.
Fuyons, hélas ! ces lieux, chers à la rêverie,
Et qu’avec transport j’ai revus…
La beauté qui déjà se pare avec orgueil,
N’y viendra point chercher, en abaissant son œil,
Les souvenirs et le silence.
Bientôt même, bientôt cet asile pieux
Enfermera les bronzes de la guerre,
On verra le buveur, le front orné de lierre,
Empourprer de nectar ces marbres fastueux.
Moi, dans le sein d’un monde où mes folles journées