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Entre mes bras, jurant, dans un transport suprême,
Qu’un jour pour le venger je t’armerais moi-même ;
« Grandis ! » te dis-je alors… Hélas !… et tu grandis !

Tu grandis ! Mais, depuis, chaque nuit et sans trève,
Un cauchemar affreux revient, au lieu d’un rêve,
À mon chevet maudit tourmenter mon sommeil ;
Je vois mon fils, mon fils ! au sein de la bataille,
Chanceler et tomber sous l’horrible mitraille ;
Je vois, je sens couler son sang chaud et vermeil.

Puis l’affreux meurtrier, à mes cris de détresse,
Cruel, ne me répond, dans sa froide allégresse,
Que par son long sarcasme et son rire moqueur,
Disant : Tu l’as voulu ; si ton âme est meurtrie,
C’est ta faute : pourquoi faire aimer la patrie
À ton fils et vouloir te venger du vainqueur ?

Tu dis — Elle viendra l’heure de la revanche. —
Et plus bas, sous ces mots, mon front triste se penche ;
En t’écoutant, mon cœur ne peut que soupirer.
Amollir ton courage, enfant, à Dieu ne plaise !
Quand l’heure sonnera, va, je serai Française !
D’ici là je suis mère, oh ! laisse — moi pleurer !