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LES FEMMES POÈTES BRETONNES


UN VIEUX PORTRAIT


C’est un très vieux portrait d’une très jeune fille,
Quelque aïeule sans doute : on ne sait plus son nom ;
Dans un grenier rempli d’épaves de famille,
Hier, on l’exhuma des fouillis d’un caisson.

Elle est charmante avec sa coiffure poudrée,
Un simple velours noir autour de son cou blanc,
Sa taille longue et mince, étroitement serrée
Sous les nœuds-papillons du corsage collant.

Son chat sur ses genoux, à la main une rose,
Elle s’alanguissait en un demi-sommeil ;
Et l’artiste a fixé sa ravissante pose,
Sans avoir attendu le moment du réveil.

Les yeux sont presque clos ; un reflet de pervenche
Glisse à peine au travers de leurs longs cils brunis.
La bouche rit encor : du jeune front qui penche
Les rêves enchantés ne se sont pas ternis.

Comme elle s’abandonne à la molle caresse
De sa grande bergère en lampas du Levant,
Où le temps est si court, si douce la paresse,
Qu’elle doit y venir se câliner souvent.