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122 LES FEMMES POÈTES BRETONNES

« Folle ! serait-ce avoir dans le cœur, dans l’esprit,
« Ce rêve dont ma fièvre ardente se nourrit,
« Ce poids lourd sous lequel mon âme est oppressée,
« Un voile sur les yeux, un gouffre en la pensée,
« Plus de ténèbres, plus d’épouvante en sa nuit ?…

« Tout à l’heure, voyant ce doux soleil qui luit,
« Je disais : « Il devait m’éclairer dans ma route,
« Me reconduire au port. » Il le voudrait sans doute,
« Et ne peut. Ce soleil, resplendissant pour toi,
« Auprès de ton regard est sans splendeur pour moi.
« C’est toi, sans le vouloir, je le sais bien, Eudore,
« C’est toi qui me guidas de la nuit à l’aurore,
« De l’aurore au matin, du matin au grand jour,
« De la plus froide vie au plus ardent amour.

« Moi je n’étais pas folle autrefois : j’étais vaine ;
« Je régnais, je planais ; j’étais la souveraine
« Ou la divinité. J’étais puissante alors,
« Et sage ; j’ignorais la honte, le remords.
« Si tu m’avais connue au temps de ma puissance,
« Forte dans ma sagesse et dans mon innocence,
« Le regard rayonnant et le front radieux,
« Fille d’archidruide et l’égale des dieux,
« C’est moi qui régnerais sur ton sort, sur ton âme.
« J’étais fée autrefois ; à présent je suis femme :
« L’amour m’a transformée et soumise ; … imposant