Page:Riom - Les Femmes poètes bretonnes, 1892.pdf/135

Cette page n’a pas encore été corrigée

MADAME AUGUSTE PENQUER 121

« Devant le noir milan dont il devient la proie ?
« C’est affreux !… As-tu vu la mort, spectre odieux,
« Prendre l’âme à la chair, prendre le jour aux yeux,
« Et faire du vrai beau l’horrible, le cadavre ?…
« Je n’aurais pas voulu mourir. Cela me navre
« De mourir, quand je songe aux beautés de mon corps ;
« Mais peut-être que l’âme est belle chez les morts ;
« Peut-être aimeras-tu dans le pays des astres,
« Séjour de paix, séjour sans luttes ni désastres,
« Où les âmes sont sœurs, où les cœurs sont unis,
« Où les moindres amours s’appellent infinis…
« Peut-être voudrais-tu que je fusse auréole
« Pour ton front, et soleil pour tes yeux…
                                       
                                       « Je suis folle !…
« Folle !… que dit ce mot que je ne connais pas,
« Mot scellé dans mon sein, mot tracé sous mes pas ?
« Peint-il le sort d’une âme à jamais délaissée,
« À jamais solitaire et pour toujours blessée ?
« Veut-il dire être faible et superstitieux,
« Ou bien être inspiré, lire et voir dans les cieux ?
« Veut-il dire être ingrat, manquer à sa parole,
« Trahir des vœux sacrés pour une vaine idole,
« Tout quitter pour n’avoir qu’un lien, qu’un trésor,
« Qu’un rêve, qu’un désir, qu’un élan, qu’un essor,
« Qu’un amour, qu’une seule et coupable espérance
« Résumant tout en elle, et bonheur et souffrance ?…

6