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épée à deux tranchants pour punir de l’un les horribles restes de la Montagne, et de l’autre la horde assassine, infiniment plus nombreuse, des royalistes[1]. » Belles paroles ; mais ce n’étaient que des paroles. Ses amis eussent voulu des actes. Or il se refusait à agir. Plus que jamais il entendait se tenir à l’écart, et il était affermi dans ce sentiment par l’inquiète tendresse de Mme Clément de Ris, à qui, depuis les angoisses éprouvées naguère, toute fonction publique inspirait une invincible horreur. Qu’irait-il faire dans cette mêlée, où tout lui était sujet d’inquiétudes et d’alarmes[2], l’instabilité des institutions, l’inertie d’une bourgeoisie incapable d’entente, l’indifférence des populations rurales pour les libertés publiques, l’audace des révolutionnaires prêts à rallumer le feu de la guerre civile, l’impunité acquise aux fauteurs de troubles ? Il ne voyait qu’un remède au mal, la rentrée aux affaires des républicains, et il poussait ses amis à se mettre en avant, mais restait prudemment en arrière. Le pressait-on de conformer ses actes à ses paroles, de se laisser porter candidat aux fonctions législatives ou à celles de l’administration départementale, il se dérobait : il se plaignait « qu’après en avoir voulu à son argent, on en voulût à son repos ». Il criait contre l’exclusion des patriotes, et, patriote, il s’excluait lui-même. Il s’aliéna ainsi nombre de républicains, qui ne lui pardonnaient pas le refus de son concours, et il resta en butte à la haine des royalistes, qui ne lui pardonnaient pas la violence de son langage.

  1. Lettre à son fils Ange, 18 mai 1796.
  2. Idem, 1er juin 1796.