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son dessein. Le romancier raconte sa fiction. La duchesse ne s’inquiète pas si elle est ou non conforme à la réalité des événements. C’est une anecdote. Que lui faut-il de plus ? Elle la confisque, et bientôt on lira dans ses Mémoires : « Quelques jours après son retour chez lui, je ne sais pas précisément l’époque, une personne que je connais fut voir Clément de Ris à Beauvais[1]. Elle le trouva triste, mais d’une tristesse tout autre que celle qu’eût produite l’accablement, suite naturelle d’une aussi dure et longue captivité. Ils se promenèrent. En rentrant à la maison, ils passèrent près d’une vaste place de gazon, dont les feuilles jaunes et noircies contrastaient avec la verdure chatoyante et veloutée des belles prairies de Touraine à cette époque de l’année. Le visiteur questionna le Sénateur. Clément de Ris devint soucieux. Une expression de peine profonde se peignit sur son visage toujours bienveillant. Il prit le bras de son ami, et, s’éloignant d’un pas rapide : je sais ce que c’est, dit-il, ce sont ces misérables : je sais ce que c’est, je ne le sais que trop ! Et il porta la main à son front avec un sourire amer. »

Maintenant, rapprochons les dates. Pressée par le besoin d’argent, la duchesse d’Abrantès publie ses Mémoires de 1831 à 1834. La Ténébreuse affaire paraît en 1843, dix ans plus tard. Lequel, aux yeux de tous, est le débiteur ? Évidemment Balzac. Comment supposer qu’il a lui-même fourni ce qu’il emprunte ? On le croira d’autant

  1. Nom de la propriété du Sénateur, à Azay-sur-Cher. Même en admettant la vérité du fait en soi, la date serait sujette à caution. Le Sénateur, aussitôt délivré, partit pour Paris, où il resta de longs mois, malade, – sans retourner à Beauvais. Sa femme, durant ce temps-là, malade elle aussi, s’était réfugiée à Tours chez des amis.