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Comment un homme si pusillanime n’eût-il pas été arrêté de hasarder sa tête, même en qualité de comparse, dans une conspiration où elle courait gros risque, à plus forte raison d’y jouer un premier rôle, et, plus encore, d’y accepter le recel des preuves matérielles du complot ?

La vérité est que son silence lui avait coûté. Il s’y était résigné plutôt que complaisamment prêté[1]. Les excuses alléguées par lui pour ne pas comparaître sont moins des raisons que des prétextes, destinés à couvrir les vrais motifs de son abstention. S’il se déroba, ce fut surtout, semble-t-il, par une nécessité d’ordre moral, par désir de rester fidèle, pour sa part, à une promesse d’oubli, condition de sa mise en liberté. Pouvait-il déclarer qu’il ne reconnaissait ni Gaudin, ni de Canchy, ni de Mauduison, sans manquer au serment prêté devant le Tribunal de dire toute la vérité ? Pouvait-il les reconnaître, sans manquer à l’engagement pris envers eux de ne rien révéler, et sans amener du même coup, par cette révélation qui n’eût pas sauvé les prévenus arrêtés, l’arrestation de ceux qui ne l’étaient pas ? Angoissante alternative, qui ferma sa bouche. Son abstention même, par l’argument qu’elle fournissait à la défense, était un moyen, l’unique moyen d’épargner aux inculpés une condamnation, ou d’en atténuer la rigueur. Et si, dans la suite, il se tut encore, c’est qu’à ces causes, dont les conséquences subsistaient en ce qui concernait les coupables soustraits à la Justice, s’en ajouta une autre. Il avait su, et beaucoup savaient, le secret de la comédie jouée par Fouché lors de sa délivrance.

  1. Voir pages 179-180.