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HÉLÈNE ET MICHEL

Ils restèrent un long moment silencieux. Michel avait ramassé un caillou et plantait à petits coups mesurés une branchette fichée en terre.

— Alors, je pars demain…

— Demain ?

— Oui.

— Eh bien, dis donc, ça s’est décidé vite !

— Oui, ça s’est décidé vite !

— Pourquoi ça ?

— Parce que,… parce que maman ne veut pas que je… qu’on soit amis, nous deux.

— Elle ne veut pas ?

— Non, elle ne veut pas.

— Pourquoi faire ?

— Je ne sais pas, mais elle ne veut pas.

— Bon !

— C’est pour cela que je suis venue te dire bonjour.

Elle ne faisait pas mine de partir. Insensiblement, au contraire, elle s’était encore rapprochée. Sa tête était maintenant tout près de l’épaule de Michel et l’odeur de ses cheveux lui montait au visage.

Elle tourna délibérément la tête, le cou tendu, ses yeux cherchant ceux de son ami. Celui-ci vit près des siennes les lèvres qui, ayant fait la moitié du chemin, attendaient.

— Tu pourrais au moins m’embrasser, Michel, pour la dernière fois que…

Il hésitait encore, obstiné ; mais ce fut soudain comme si quelque chose l’eut impérieusement poussé entre les épaules. Violemment, maladroitement, il lui donna un baiser.

Il se releva aussitôt, les yeux méchants, honteux d’avoir cédé à la tendresse. Il s’essuyait la bouche de la main comme pour effacer le goût brûlant de la caresse.

— Bonjour, dit-il durement.

Marie-Claire ne dit rien. Elle le regarda fixement, les paupières battantes. Puis soulevant du bras la tenture des branches, elle baissa la tête et disparut.