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LE POIDS DU JOUR

— Tu es folle !

— Un jour tu vas m’y amener, à Louiseville. Tu me montreras la maison où tu as grandi.

— Il y a longtemps qu’elle a dû être démolie. Une bicoque !

— Et nous irons à Maskinongé voir celle de grand-maman Hélène.

Garneau se leva brusquement.

— Il faut que je descende au magasin me chercher du tabac.

Jocelyne et Adrien se regardèrent sans comprendre. Ils n’avaient pourtant rien dit qui pût le blesser !

L’excursion eut lieu le dimanche d’après. Pendant les trois heures de leur absence, Garneau ne put rester en place. Les yeux sans cesse ramenés à l’horloge, il s’étonnait de ne point les voir revenir, tout en attendant avec une crainte irritée le moment dangereux de leur retour. Que serait leur premier mot ? leur premier regard ? Enfin fatigué de passer de la maison au parterre d’où il voyait en enfilade toute la longueur de la côte, il descendit errer dans le fond du verger.

Quand il revint, las d’être ainsi seul et tendu, ils étaient rentrés depuis un quart d’heure déjà. Il n’eut pas à attendre car en l’apercevant Jocelyne s’exclama :

— Oh papa ! Ce que je regrette de ne pas y être allée auparavant. Elle est gentille comme tout. Elle est pas mal vieille : au moins cinquante ans. Mais tellement en vie ! C’est une Germain, la fille de Gaudias Germain. Son grand-père Germain était le frère de mon arrière-grand-père.

La jeune femme était toute fière de ses nouvelles connaissances généalogiques qu’elle s’était fait soigneusement expliquer.

— … Eux ils habitaient du côté du Petit-Bois. Elle dit qu’elle n’a pas beaucoup connu grand-maman qui était la cousine germaine de son père. Mais elle allait des fois à Louiseville chez sa tante Jutras…

— Sa tante Jutras ?

— Oui : Bernardine Jutras, une veuve.

— Bernardine ! Je n’ai jamais su qu’elle était une Jutras. Ça c’est bon !

— … et là elle se souvient d’avoir vu grand-maman.

— Ah !

— Et sais-tu que chez les cousins Duval tout à l’heure il y avait justement un prêtre de Louiseville !

— Qui ça ?

— Monsieur l’abbé Gendreau. Il a à peu près quarante ans.

Un Gendreau ? songea machinalement Robert. Ce devait être un des fils de monsieur Gendreau de l’hôtel Canada.

— … Quand il a su que tu habitais dans la montagne, il a dit qu’il viendrait te voir un de ces jours.

— Il reste là ?