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LA SOUMISSION DE L’HOMME

Les jours qui suivirent tinrent la promesse du début de mai. Il n’y eut de pluies que juste ce qu’il en fallait pour fondre les nuées et laver les vieilles neiges. Les ultimes lueurs du couchant étaient à peine éteintes derrière l’épaule droite de la montagne, que derrière son épaule gauche les premiers jeux de l’aube venaient souffler les étoiles et allumer le jour. Chaque journée était un peu plus tiède, un peu plus longue que la veille. Dans les coulées bruissaient les eaux enfin ranimées. Les matinées, certes, étaient encore froides ; mais il suffisait de jeter quelques cônes de pin sur les cendres d’hier pour entendre la cheminée pétiller comme un feu d’artifice, le poêle ronfler comme un chat. Deux bûches d’érable dans l’âtre, la pièce était réchauffée. On n’en préférait pas moins déjeuner dans la cuisine pour y manger des galettes de sarrazin qui chuintaient gaîment lorsque l’on étendait la pâte sur la plaque brûlante.

Pour Robert les heures passaient vraiment plus vite qu’il ne l’eût cru. Sur les instances de sa fille, et puisque l’on serait là au moins tout l’été, il faisait bêcher le jardin potager. Pour peu que Crétac l’eût laissée faire, Jocelyne eût bien semé tout le catalogue du grainetier. Elle avait été fort désappointée quand on lui avait recommandé de s’en tenir aux carottes, betteraves, radis et concombres de tout le monde. Ce qui la consolait c’était de penser qu’après cet apprentissage elle pourrait assurément, l’année suivante, se faire un jardin modèle. Dans sa chambre, le rayon le plus à portée de sa main offrait toute une petite bibliothèque maraîchère.

C’était là, chez elle, le côté enfant qu’elle avait toujours conservé et qui ne pouvait nuire à son charme fragile. Sans doute garderait-elle toujours cette fraîcheur d’enthousiasme qu’entretenait la naïveté de son âme confiante. Pour l’instant, elle était la paysanne la plus sérieuse du monde. Pour un peu elle fût allée au marché vendre elle-même ses légumes.

Robert surveillait les travaux d’abord par désœuvrement mais aussi par nécessité. Il fallait tout de même contrôler la dépense. Parfois, plutôt que de rester là inutile, bras ballants aux côtés, il lui arrivait de prendre le râteau pendant que Crétac manœuvrait la bêche. Chaque matin maintenant, il commençait la journée, avant déjeuner, par le tour de ses quarante-sept pommiers. À sa grande surprise, il commençait même de les connaître individuellement. Certes, Crétac, l’étonnait encore quand d’un coup d’œil à l’arbre, l’écorce ou même la feuille, il distinguait sans hésitation l’Elzéar de la McIntosh, l’Alexandre de la Wolf-River. Mais l’autre exagérait pour sûr quand il affirmait :

— Vous savez, monsieur Garneau, ben ! mon père, lui, rien qu’à l’odeur, il pouvait reconnaître les pommes de chacun des arbres de son verger.