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LE POIDS DU JOUR

Jocelyne vidait leur verre moins par goût que pour qu’il n’en bût pas trop.

— Monsieur Lafrenière vous avez eu une bien belle idée, affirma le jeune homme.

— Dites donc, vous êtes un Lafrenière ? s’enquit Duval.

— Ouais ! Lafrenière ! C’est ça.

— Vous seriez pas des fois parent des Lafrenière de Sorel. Jos. Lafrenière. Il est plombier. Parce que, c’est mon cousin.

Il avait bu lui aussi. Et bien qu’il fût habitué, dans la cave glacée où flottait un relent de pommes commençait de régner une atmosphère de sympathie humaine. On se sentait amis. On voulait se trouver parents.

— Non. Nous autres on est de Val-d’Or. Le pays des mines. Des mines d’or. Val-d’Or : mines d’or. Hi ! hi !

En temps normal, il se fût arrêté là. Mais il se sentait chaleureux et nature :

— Moi, je suis un Lafrenière de Louiseville. Ma famille et puis celle de ma femme étou, elles sont de Louiseville. Et les Garneau aussi. Oui ! Les Garneau aussi. Hein ?

Ben quiens ! Comme ça se trouve ! De Louiseville ? J’ai un de mes cousins qu’a marié une femme de Louiseville. Une Germain.

Une Germain ! Garneau se sentit pâlir. Il s’appuya sur un des montants de la cave. Son émotion doublée par un léger début d’ivresse le saisissait aux mollets.

— Une Germain ? de Louiseville ? s’informait Lafrenière qui venait de s’emparer d’une nouvelle bouteille de mousseux et cherchait, à force de doigts, à en tirer le bouchon. Vous êtes bien…

Pouff… fff. Le bouchon avait sauté au plafond et le cidre jaillissait partout en écume, avec un curieux chuchotement de soie froissée.

— Donne ton verre… vite, sa mère… Vous êtes bien sûr ? Parce que des Germain, j’en ai jamais connu à Louiseville.

C’est vrai, maillet, dit Duval, complètement dégêné, en donnant une bourrade à Hermas. C’est de Maskinongé, qu’elle était.

— Allons ! Il est temps de s’en aller, dit Garneau en glissant vers la porte qui découpait un carré d’or.

Qu’il faisait étouffant dans cette cave où tout à l’heure, pourtant, on grelottait presque ! La voix de Jocelyne vint jusqu’à lui, claire et nette :

— Une Germain, de Maskinongé ! Comme c’est drôle ! Ça doit être de nos parents. Ma grand’mère était une Germain : Hélène Germain. De Maskinongé. N’est-ce pas, papa ?

— Venez-vous-en ! Venez-vous-en !

— Et où est-ce qu’elle reste, comme ça, persistait Jocelyne.