CHAPITRE
III
À cette maison de ses vœux, qu’elle avait
le plus banalement du monde baptisée « Le Nid », Jocelyne invitait parfois
une amie pour quelques jours. Robert y voyait d’autant moins d’objections
qu’il était ainsi libéré d’avoir à s’occuper de sa fille. Non qu’elle exigeât
beaucoup d’attentions. Elle tenait au contraire de lui non pas tant le goût
de la solitude que la faculté de se passer de compagnie. Plus exactement,
elle ne se trouvait jamais totalement seule tant sa curiosité naturelle la
tenait en communion ininterrompue avec son entourage. Si elle recherchait
le contact de son père, c’était plutôt par une crainte généreuse de le voir
souffrir, lui, de son isolement et de son inactivité. Ce dont il était loin de se
douter.
En fait, un rien intéressait Jocelyne. Robert n’en revenait pas de voir cet esprit léger brusquement saisi par l’objet pour lui le plus banal : une tige d’avoine, un scarabée, un moineau, un nuage. Le vent même. Et jusqu’au bruit de la pluie, dont elle aimait le chant monotone dans la sonore gouttière de tôle.
— Papa ! Oh ! papa ! Regarde. Ce que c’est joli !
— Quoi donc ?…
Le père avait beau chercher des yeux, il ne voyait rien qui… Mais se penchant, Jocelyne cueillait entre les ronces un minuscule pied de brunelle grappe de fleurettes bleues ciselées, eût-on dit, à la loupe.
— Tu ne pourrais pas me dire comment cela s’appelle, papa ? Il haussait les épaules :
— Mais non ! Voyons.
— J’aimerais tant le savoir. Et regarde donc le dedans des fleurs. C’est merveilleux. Regarde !
Il fallait que Robert tirât les lunettes dont il ne pouvait plus se passer et regardât, fût-ce distraitement.
— Oh ! oui. C’est une belle petite fleur.
Aussi fut-elle heureuse que Geneviève Lanteigne vint à Saint-Hilaire pour la longue fin de semaine que faisait le congé de la Saint-Jean-Baptiste tombant un vendredi.
De sa mère, Geneviève tenait un port de tête charmant qui faisait oublier sa petite taille ; et surtout une peau mate dont le grain était pour