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LES ANTIPODES

Jocelyne allait se taire devant la surprise et les protestations étonnées de son père. Mais Leblanc, intéressé, la pressa.

— Comme ça, tu penses ?…

— Je pense que les pauvres n’ont jamais raison de se révolter. Mais s’ils se révoltent, c’est souvent parce qu’ils n’en peuvent plus d’endurer. C’est peut-être la faute des riches. Si les riches étaient plus généreux, moins durs, moins égoïstes…

— Les riches ?…

De sa voix douce, calmement modulée, Jocelyne poursuivait son idée. Il y avait dans tout cela une touche d’humaine tendresse.

— Il est facile à ceux qui ont tout de blâmer ceux qui n’ont rien. Mais est-ce qu’il y a vraiment des fortunes, des grosses fortunes, qui sont autre chose que…

Elle s’interrompit brusquement. Des mots étaient au bord de ses lèvres qui pouvaient blesser son père.

Le téléphone sonna. Elle se précipita pour répondre, toute heureuse de cette diversion inespérée.

Garneau haussa les épaules.

— Ça doit être son ami Léger qui lui met ces idées-là dans la tête.

Il est vrai qu’elle n’était pas ainsi quand elle fréquentait Jerry Côté.