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LES ANTIPODES

ceux dont la fortune datait de deux générations, ne les connaissait pas encore ; mais cela viendrait. Madame Garneau avait été invitée à « jouer le bridge » chez madame John Galarneau, sur le Belvedere Road.

Sa santé, qui laissait à désirer, limitait les sorties d’Hortense. Les expéditions dans les grands bazars lui étaient un peu pénibles. Le plus souvent elle achetait par téléphone, réservant ses forces pour les thés et les soirées où elle voulait être vue et qui flattaient sa petite vanité. Mary Harrison, qu’elle voyait de plus en plus rarement — elle habitait si loin, et le tramway 96, plein de Juifs, sentait tellement l’ail ! — avait vainement tenté de l’entraîner une seconde fois au Salon du Printemps qui venait de s’ouvrir à la Galerie des Arts. Bien que cela fût chic, Hortense avait prétexté ses pieds sensibles. Mais elle avait avoué à son mari l’ennui que lui inspirait « la peinture moderne », qui pour elle datait de 1900. Suzor-Côté lui faisait l’effet d’un futuriste. D’autre part elle montrait à tout venant les deux Icart qu’elle avait acquis dans une liquidation ; c’était là pour elle le sommet de l’art.