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HÉLÈNE ET MICHEL

étage, de bois maigre usé depuis longtemps par les intempéries, eût été facilement minable ; elle y plantait, dans de vieilles boîtes accrochées aux appuis, des pétunias qui riaient au soleil de toutes leurs lèvres éclatantes. De même, ses robes d’indienne à fleurs ou de cotonnade à pois ne valaient pas cher ; elle savait y ajouter un brimborion de cinq sous, une boucle d’acier, un ruban sur l’épaule ; et tout aussitôt cela devenait charmant. Là-dessus, sa tête fine, étrangement peu paysanne, son teint clair de blonde, les yeux couleur d’aigue-marine ; et, couronnant le tout, l’auréole de sa chevelure.

La maison, certes, était moins agréable quand Ludovic Garneau s’y trouvait, bien qu’il y prît de moins en moins de place. Michel s’en rendait compte. Sans se demander pourquoi, il sentait que la présence de son père lui était lourde à supporter et qu’elle était indifférente à sa mère. Cela était venu, s’était accentué à mesure que Michel grandissait. Le serre-frein était de plus en plus taciturne et aussi, hélas ! de plus en plus adonné à l’alcool. Les jours de repos, il disparaissait tout à fait, ne rentrant que pour dormir. L’enfant ne songeait pas à s’en plaindre tant cela lui était devenu normal. Hélène, elle, ne semblait trouver rien à redire. Elle ne s’absentait pas souvent et jamais pour longtemps ; de rares courses au marché ou aux magasins de la ville, de plus rares visites à des parents ou à des connaissances. Mais dès que son homme était au logis, elle ne chantait plus.

De sorte que le parrain prenait dans l’esprit de Michel une importance accrue. Il se créait entre le brasseur d’affaires et l’enfant une espèce d’amitié imprévue, faite de curiosité amusée chez le premier et de confiance admirative chez le second. De la part de Michel ce sentiment répondait en outre au besoin instinctif d’avoir un confident bénévole, qui ne fût pas de son âge, et qui fût un homme ; car entre son père et lui aucune intimité n’existait. Quant à monsieur Lacerte, il était sans enfant. Sevré apparemment de toute satisfaction sentimentale, il reportait sur son filleul tout ce qu’il y avait en lui de tendresse masculine. Originaire de Maskinongé, lui aussi, il connaissait depuis toujours Hélène Germain et sa famille ; quand la mère Germain était morte, peu de mois après le mariage, elle avait, disait-on, laissé quelque argent que la nouvelle madame Garneau avait confié à monsieur Lacerte, contre le gré de son mari. Lorsque Hélène l’avait voulu comme parrain de Michel, Ludovic s’y était d’abord opposé ; mais l’agent avait montré tant de joie, et tant de générosité — il s’était chargé de la layette — que tout s’était bien passé.

C’est ainsi que Michel se trouvait si souvent dans le grand bureau.

— Alors, petit gars, tu deviens sérieux ?

— Oui… mon oncle.