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LE POIDS DU JOUR

Le lendemain midi, comme Garneau rentrait déjeuner chez lui, sa femme se précipita à sa rencontre.

— Tu as su la nouvelle ?

— Quelle nouvelle ?

— Bien c’est dans le Herald, à midi. Mais je le savais avant : Germaine Lanteigne m’a téléphoné.

— Mais qu’est-ce que c’est encore ? Lâche-le !

— Gabriel du Boust.

— Bien quoi, Gabriel du Boust ?

Importante, elle la lança, sa nouvelle :

— Il est mort.

— Quoi ! Pas possible, je lui ai parlé hier soir !

— Hier soir ?… Bon ! Il paraît qu’il est allé faire un tour au Samovar, puis au Picadilly, puis à l’Embassy. Partout. À chaque endroit, il ne restait que quelques minutes, ne prenait rien, ne disait rien, pas même bonsoir aux Knox et aux Durand-Lapointe qui étaient là.

— Et puis ?

— Et puis : on l’a trouvé ce matin dans son garage. Il était encore en tuxedo. Le moteur avait marché tant qu’il y avait eu de quoi. Les portes étaient fermées. Il était mort.

— Il a dû avoir une syncope.

— Bien voyons ! Tu vois bien qu’il s’est suicidé, même si…

Et moi je te dis que c’est une syncope !

Garneau, qui avait presque hurlé sa répartie, ferma la porte brusquement et s’enferma dans sa chambre.

Qu’avait-il fait au sort que même ce triomphe lui fût douloureux.