NOCTURNE
’homme, presque un géant, était accoudé à la
rambarde qui lui venait à la ceinture. Il goûtait
la fraîcheur molle de la nuit que lui rendait plus
caressante le souvenir de la chaufferie torride dont il
venait de laver la cendre sur son visage et sur son
corps. Il jouissait de sentir l’air purifier ses poumons
de la poussière du travail ; et lentement le calme
concentrique de la mer et du ciel descendait en lui.
Pour mieux savourer son bien-être, il se refusait même, pour quelques instants, le tabac. Il ne bougeait point ; et d’être ainsi passif, totalement abandonné au vide de cette heure, l’abolissait en quelque sorte, le fondait en cette grande paix vivante. La nuit respirait un vent clément, non point le vent total du large, qui vient de partout et ne va nulle part, mais le souffle humanisé de cette vallée marine du Saint-Laurent où se conjuguent les odeurs discordantes du varech et des foins mûrs.
La nuit était peuplée de lumières qui jamais ne lui avaient paru si prochaines : là-haut, les étoiles palpitantes comme en été les feuilles scintillantes des trembles ; plus bas, d’autres étoiles, moins pures mais