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sept jours

n’avaient « ni âme ni conscience » ; il fallait que les choses en fussent rendues bien creux. Et cela pouvait le mener loin. La Supérieure avait dû en parler à monsieur le Curé, puisque ce dernier était subitement parti pour Montréal, sans doute pour porter le fait devant Monseigneur. Des plans pour se faire excommunier ! D’ailleurs, on savait que François Perreault avait failli ne pas faire ses Pâques l’année précédente ; c’était tout juste s’il avait fait des Pâques de renard, à la Quasimodo.

Le bruit courait, le bruit courait… que madame Mongrain avait décidé d’aller consulter un avocat.

À la sortie du mois de Marie, la veille, une dizaine de dévotes dont madame Frenette se racontaient « des choses », lorsqu’était survenue madame Mongrain. Des regards, cela était passé aux mots. Pour finir, madame Frenette avait barré le chemin à madame Mongrain, en lui disant d’aller se « dépeinturer » avant d’entrer à l’église. Madame Mongrain l’avait poussée. Madame Frenette avait fait de même, si bien que l’autre, s’enfargeant dans son parapluie, était allée s’étendre de tout son long dans le chemin où venait de passer un troupeau de vaches.

Cela ne pouvait en rester là.

Dans la même soirée, le boulanger Mongrain traversa le village magnifiquement ivre, lui qui de trois ans n’avait pas touché une goutte de boisson, ivre à en avoir les pieds ronds. Il se rendit chez madame Frenette qu’il traita de voleuse, et devant un étranger, encore, devant un gros médecin de Montréal qui s’était arrêté au restaurant à jouer dans le gobe-sous. Si bien que madame Frenette elle aussi, avait décidé de voir un avocat et parlait même de faire arrêter Mongrain.