Elle repartit et monsieur Lemay se repencha sur son hortensia. Distrait, il avait laissé l’eau du boyau faire chute sur le pied de l’arbuste ; un trou profond laissait voir les racines, un trou à y mettre le poing.
Ça ne lui faisait rien, que monsieur Chrétien fut en danger ? Oh ! là, là ! C’est qu’avec monsieur Chrétien, il fallait marcher droit ; marcher droit, c’était une façon de parler. Le secrétaire avait forcément vu, toléré, un certain nombre de petites combines ; et cela n’avait pas toujours été improductif. Monsieur Chrétien, qui était homme d’affaires, savait qui intéresser et désintéresser.
Le pas sec de madame Perreault s’éloignait ; tiens, il s’arrêtait derechef. Ce devait être cette fois chez madame Gingras. Monsieur Lemay se pencha un peu derrière le second des hortensias ; en dépliant tout son long cou hors du faux-col, il l’aperçut. C’était bien cela.
Le secrétaire avala sa pomme d’Adam.
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Madame Frenette, tenait, depuis le départ de son mari — départ jamais éclairci — une florissante boutique rue Pothier. Elle y vendait des cigarettes, des bonbons, des glaces, des boissons gazeuses et des journaux illustrés. Cela s’intitulait : Restaurant. On y faisait aussi à quelques abonnés le service des quotidiens de Montréal.
Ambitieuse, elle avait eu un jour l’idée d’augmenter son commerce, à moins qu’elle ne se fût laissé tout simplement embobiner par quelque placier. D’un voyage à Montréal, elle avait rapporté trois romans français.