Page:Ringuet - L’héritage, 1946.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

127
le sacrilège

vêtement, de toute pudeur, comme de toute indécence, ne faisait point oublier la bouche profondément humaine et surtout le regard intelligent et noble. Accroupie comme une esclave, elle gardait l’air d’une princesse ; et ce titre, en parlant d’elle, n’avait certes rien de ridicule.

Lémann avait haussé les épaules et s’était levé suivi de Bernier. Il prit la lampe dont la flamme fuma et battit.

Dressé dans le coin se trouvait un bloc sombre, informe au premier regard, mais que la lampe approchée révéla. Le morceau de basalte montrait des membres grossièrement sculptés en ronde bosse et un visage indéfinissable.

— C’est un tiki, et un beau, d’une bonne époque. Au fait, vous ne savez peut-être pas ce que c’est qu’un tiki. C’est tout simplement un fétiche, une idole.

On distinguait encore, malgré l’usure du temps, le relief que la lumière oblique de la lampe accentuait : les traits bruts d’un visage barbare et le geste un peu obscène des bras dirigés vers le bas-ventre ; une espèce de nain trapu, dont l’écrasement même était puissant et qui en bloc avait vaguement l’air d’une toupie, mais que les mouvements de la lampe tenue à bout de bras animait de mouvements bizarres à fleur de sa peau noire et grenue.

— … Et ce qu’il y a de curieux, de rare, c’est ce sillon profond, comme un coup de hache, sur le sommet de la tête. Tenez, là.

Un cri de terreur retentit. Bernier se retourna d’un sursaut. Il vit les yeux dilatés d’Itiarii, ses joues qui subitement pâlies sous le hâle doré avaient pris couleur de cendre.