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l’héritage

voir » ; et si le vieux Langelier fût revenu, il aurait pu longtemps chercher un certain nombre de choses qui n’étaient plus à leur place accoutumée.

Pour un temps, les Vadenais n’osèrent se servir de « leur » hachoir à tabac et la mère Caron, celle de la maison du coin, garda au fond de sa cave le grand chaudron à savon.

Le voisin Langlois, lui, arriva tout souriant rapporter l’épandeuse à fumier ; il l’avait gardée dans sa grange « de peur que les autres ne la volent ».

C’est ainsi que revinrent successivement un vieux cheval, deux vaches, un cochon, que de bonnes âmes avaient abrités pour qu’ils ne mourussent point de faim et de froid. Cela leur avait fait des frais de nourriture. Le nouveau venu fronça les sourcils, ne discuta point et paya. Cela parut un peu louche.

Quant aux poules, elles avaient dû être dévorées par les renards car personne ne sut dire ce qu’elles étaient devenues.


✽ ✽

À Grands-Pins, la terre est maigre et se refuse à la culture ordinaire ; aussi fut-elle longtemps quasi déserte. Ce n’est que lorsque vint la culture du tabac jaune que des gens aussi pauvres que le sol s’y installèrent. De peine et de misère, d’abord, puis un peu plus facilement, le tabac fit vivre les familles.

Le père Langelier avait été un des premiers à s’y adonner. Comme il n’était point jeune et ne demandait à la vie, pour prix de son travail, que quelques années de tranquillité, il avait fait peu de frais. Il s’était bâti un assez bon séchoir, le bâtiment carré classique percé de deux fours que l’on chauffait du dehors. Il se