PRÉFACE 17
Il est des humains en qui souffle l’esprit et par qui il se répand. On sait qu’Arthur Rimbaud était de ceux-là. Dans sa petite sœur, il eut pour ainsi dire, son premier disciple ; par elle, dès l’enfance, il fut prophète dans son propre milieu.
Mais quelle épreuve d’aimer un être extraordinaire, et comme un cœur médiocre n’y suffirait point ! Il y faut, plus qu’en tout autre amour, renoncer à soi-même, s’effacer, n’exister plus que par l’élu. Il y faut se préparer à souffrir plus que l’aimé lui-même de l’incompréhension qu’il rencontrera, des déboires qui jalonneront sa route, des jalousies et des malveillances qui l’accompagneront. Il y faut s’attendre à souffrir par lui aussi, car il ne saura pas se plier à l’existence telle que le siècle la comprend, il ignorera les règles qui ligotent et les habitudes sur quoi se fonde une vie tranquille, il heurtera les autres comme il sera heurté par eux.
La petite Isabelle Rimbaud ne savait toutes ces choses auxquelles plus tard son cœur serait égal. Elle savait seulement, elle sentait plutôt, la tendresse émerveillée qui la poussait vers son