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LA MER ET LES POISSONS.

avec le besoin péniblement satisfait. C’est ainsi que nous nous expliquons comment certains groupes de pêcheurs anglais ont osé affirmer, devant l’enquête, que les produits de leur baie multipliaient d’autant plus qu’on les décimait davantage. La même cause produisant partout même effet, nous ne serions nullement surpris de voir tous les pêcheurs de France et de Navarre se liguer pour soutenir que si la cherté du poisson est progressive ce n’est pas parce qu’il devient rare. Allez en Espagne ou en Italie, vous ne verrez pas moins couvrir, par des mensonges dénégateurs, le même acharnement à dessécher la source d’aliments que la mer renferme.

L’année dernière, dans un État qui a ses frontières maritimes sur deux mers, sur l’Océan et sur la Méditerranée, les pêcheurs étaient consultés afin de savoir s’il n’y avait pas lieu d’interdire, durant une partie de l’année, la pêche du homard et de la langouste.

« Il y a lieu, répondaient ceux qui ne pratiquent pas ordinairement la pêche de ces crustacés, il y a lieu, parce que la diminution du nombre des homards et des langoustes est un fait. »

« Il n’y a pas lieu, disaient les interpellés intéressés à la question, il n’y a pas lieu, parce que la diminution n’est pas avérée et parce que, s’il y a de mauvaises années, il y en a aussi de bonnes et que, après avoir disparu de certains parages, le homard et la langouste y reviennent en aussi grand nombre qu’auparavant. »

Ainsi, d’une part, affirmation et, de l’autre, négation, deux forces égales se neutralisant pour éterniser le statu quo.

Mais on n’en était qu’à la première moitié du problème, car il restait à fixer l’époque de l’interdiction annuelle pour le cas où il serait reconnu nécessaire de l’édicter. Grand embarras encore devant la divergence des opinions. Les riverains de