Page:Rimbaud - Œuvres, Mercure de France.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Les Sœurs de charité


Le jeune homme dont l’œil est brillant, la peau brune,
Le beau corps de vingt ans qui devrait aller nu,
Et qu’eût, le front cerclé de cuivre, sous la lune
Adoré, dans la Perse, un Génie inconnu,

Impétueux avec des douceurs virginales
Et noires, fier de ses premiers entêtements,
Pareil aux jeunes mers, pleurs de nuits estivales
Qui se retournent sur des lits de diamants ;

Le jeune homme, devant les laideurs de ce monde
Tressaille dans son cœur largement irrité,
Et plein de la blessure éternelle et profonde,
Se prend à désirer sa sœur de charité.

Mais, ô Femme, monceau d’entrailles, pitié douce,
Tu n’es jamais la sœur de charité, jamais,
Ni regard noir, ni ventre où dort une ombre rousse,
Ni doigts légers, ni seins splendidement formés.