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temps, la calotte un peu crânement sur l’oreille, une mèche de cheveux raides et fort pommadés lui cinglant la face comme une balafre, une main dans la poche de sa robe de chambre à fleurs jaunes, l’autre sur le loquet… Il me jeta un bonjour sec, fronça le nez en jetant un coup d’œil sur mes souliers à cordons noirs, et s’en alla devant moi, les mains dans ses deux poches, ramenant en devant sa robe de chambre, comme fait l’abbé*** avec sa soutane, et modelant ainsi à mes regards sa partie inférieure.

Je le suivis.

Il traversa la cuisine, et j’entrai après lui dans son salon. Oh ! ce salon ! je l’ai fixé dans ma mémoire avec les épingles du souvenir ! La tapisserie était à fleurs brunes ; sur la cheminée, une énorme pendule en bois noir, à colonnes ; deux vases bleus avec des roses ; sur les murs, une peinture de la bataille d’Inkermann ; et un dessin au crayon, d’un ami de Césarin, représentant un moulin avec sa meule souffletant un petit ruisseau semblable à un crachat, dessin que charbonnent tous ceux qui commencent à dessiner. La poésie est bien préférable !…

Au milieu du salon, une table à tapis vert, autour de laquelle mon cœur ne vit que Thimothina, quoiqu’il s’y trouvât un ami de monsieur Césarin, ancien exécuteur des œuvres sacristaines dans la paroisse de ***, et son épouse madame de Riflandouille, et que monsieur Césarin lui-même vînt s’y accouder de nouveau, aussitôt mon entrée.

Je pris une chaise rembourrée, songeant qu’une partie de moi-même allait s’appuyer sur une tapisserie faite sans doute par Thimothina, je saluai tout le monde, et, mon chapeau noir posé sur la table, devant moi, comme un rempart, j’écoutai…

Je ne parlais pas, mais mon cœur parlait ! Les messieurs