Page:Rimbaud - Œuvres, Mercure de France.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ô ! si vous saviez les effluves mystérieuses qui secouaient mon âme pendant que j’effeuillais cette rose poétique ! Je pris ma cithare, et comme le Psalmiste, j’élevai ma voix innocente et pure dans les célestes altitudes !!! O altitudo altitudinum !

...

7 mai…

Hélas ! Ma poésie a replié ses ailes, mais, comme Galilée, je dirai, accablé par l’outrage et le supplice : Et pourtant elle se meut ! — Lisez : elles se meuvent ! — J’avais commis l’imprudence de laisser tomber la précédente confidence… J*** l’a ramassée, J***, le plus féroce des jansénistes, le plus rigoureux des séides du sup***, et l’a portée à son maître, en secret ; mais le monstre, pour me faire sombrer sous l’insulte universelle, avait fait passer ma poésie dans les mains de tous ses amis !

Hier, le sup*** me mande : j’entre dans son appartement, je suis debout devant lui, fort de mon intérieur. Sur son front chauve frissonnait comme un éclair furtif son dernier cheveu roux : ses yeux émergeaient de sa graisse, mais calmes, paisibles ; son nez semblable à une batte était mû par son branle habituel : il chuchotait un oremus : il mouilla l’extrémité de son pouce, tourna quelques feuilles de livre, et sortit un petit papier crasseux, plié…

Grananande Maarieie !…
Mèèèree Chééérieie !

Il ravalait ma poésie ! il crachait sur ma rose ! il faisait le Brid’oison, le Joseph, le bêtiot, pour salir, pour souiller