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semblant se complaire, machinalement, à cette opération qui n’a rien en soi que de très futile…

2 mai

Le sup*** est descendu hier de sa chambre, et, en fermant les yeux, les mains cachées, craintif et frileux, il a traîné à quatre pas dans la cour ses pantoufles de chanoine !…

Voici mon cœur qui bat la mesure dans ma poitrine, et ma poitrine qui bat contre mon pupitre crasseux ! Oh ! je déteste maintenant le temps où les élèves étaient comme de grosses brebis suant dans leurs habits sales, et dormaient dans l’atmosphère empuantie de l’étude, sous la lumière du gaz, dans la chaleur fade du poêle !… J’étends mes bras ! je soupire, j’étends mes jambes… je sens des choses dans ma tête, oh ! des choses !…

4 mai…

… Tenez, hier, je n’y tenais plus : j’ai étendu, comme l’ange Gabriel, les ailes de mon cœur. Le souffle de l’esprit sacré a parcouru mon être ! J’ai pris ma lyre, et j’ai chanté :

Approchez-vous,
Grande Marie !
Mère chérie !
Du doux Jhésus !
Sanctus Christus !
Ô Vierge enceinte
Ô mère sainte
Exaucez-nous !