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retiens ma place au sommet de cette angélique échelle de bon sens.

Quant au bonheur établi, domestique ou non… non, je ne peux pas. Je suis trop dissipé, trop faible. La vie fleurit par le travail, vieille vérité : moi, ma vie n’est pas assez pesante, elle s’envole et flotte loin au-dessus de l’action, ce cher point du monde.

Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d’aimer la mort !

Si Dieu m’accordait le calme céleste, aérien, la prière, comme les anciens saints. — Les saints ! des forts ! les anachorètes, des artistes comme il n’en faut plus !

Farce continuelle ! Mon innocence me ferait pleurer. La vie est la farce à mener par tous.

Assez ! voici la punition. — En marche !

Ah ! les poumons brûlent, les tempes grondent ! la nuit roule dans mes yeux, par ce soleil ! le cœur… les membres…

Où va-t-on ? au combat ? Je suis faible ! les autres avancent. Les outils, les armes… le temps !…

Feu ! feu sur moi ! Là ! ou je me rends. — Lâches ! — Je me tue ! Je me jette aux pieds des chevaux !

Ah !…

— Je m’y habituerai.

Ce serait la vie française, le sentier de l’honneur !