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RAINER MARIA RILKE

« Chanter, c’est être… »
(Sonnets à Orphée, 1, 3.)

Nul ne peut parler de Rilke sauf lui-même. À tenter de le définir du dehors, ne risque-t-on pas de l’enfermer dans une image trop étroite ? Le discours s’enchaîne, mais le poète échappe à nos pièges. Nos mots sont pareils à une main qui voudrait plonger dans l’eau d’un miroir, et ne fait que glisser le long de sa surface froide.

Cependant, à l’intérieur du miroir, une autre main ne se tend-elle pas vers nous, nue comme la nôtre, et dont nous croyons sentir la chaleur ? À l’illusion des mots, pour un instant, prêtons-nous donc. Et tirons de nous l’infidèle image qui prétend nous consoler en nous rendant ce qui n’est pas.