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C’est Edmond Jaloux, je crois, qui, à propos de Rilke, citait une parole de Novalis : « Bien des choses sont trop délicates pour être pensées, encore plus pour être exprimées. » Où Rilke a-t-il puisé la singulière audace de ne s’attacher justement qu’à celles-là, et, déformant avec une fidélité si révélatrice tous les rapports du monde, de plier à l’expression comme un fer chaud les mots les plus doux et les plus rebelles ?

Une telle poésie ne peut être que d’inspiration. « Tout élan de mon esprit commence dans mon sang », confie Rilke à une amie. Des voix intérieures demandent à être proférées, et le poète, lorsqu’il les a reconnues, n’a plus qu’à leur obéir. Mais comment se garder de les confondre avec ces caprices agréables et ces découvertes aisées que nous ménagent tour à tour, à fleur d’esprit, le hasard ou l’habitude ?

« Une chose, pour qu’elle vous parle, vous devez la prendre pendant un certain temps, comme la seule qui existe, comme l’apparence unique — qui par votre amour laborieux et exclusif se trouve placée au centre de l’univers et qui, à cette place incomparable, ce jour-là est servie par les anges. »

Alors les mots d’eux-mêmes prennent cette merveil-