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avaient tous deux cette langue fluide et ces images chatoyantes que s’étaient formées les impressionnistes viennois et qui faisaient ressembler les première pièces de Hofmannsthal, comme certaines poésies de Rilke, à des bas-reliefs de nuages où se seraient joués les rayons du couchant.

Mais quelle opposition entre ces deux destinées de poètes ! Hofmannsthal, dès ses premières œuvres, a atteint la perfection. Il n’a rien produit de plus pur ni de plus accompli que ses Tercines ou que le Petit Théâtre de l’univers.

Tout différent est le lent accroissement que Rilke peu à peu tire de ses couches profondes. Il ne les atteint pas d’abord, et ses premiers vers sont un songe sur la poésie, plutôt que sa présence réelle. « Mes moyens étaient alors très limités, ma vie sentimentale angoissée et craintive ; je n’arrivais pas à prendre sur moi de livrer au public ce qui me tenait le plus fort à cœur », devait-il plus tard confier à Ellen Key.

Une musique, mobile et ténue, pourtant, semble flotter à travers ces strophes légères d’une mélancolie un peu heinienne :