Page:Rilke - Les Cahiers de Malte Laurids Brigge.pdf/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
les cahiers de m. l. brigge

signe qu’il fût là. Mais il s’approcha de moi et me dit :

Son portrait n’est pas là ; nous le cherchons encore toujours en haut.

De sa voix basse et de son œil mobile, il désigna je ne sais quoi vers en haut. Et je compris qu’il voulait parler du grenier. Mais j’eus tout à coup une pensée singulière.

— Nous ? demandai-je, est-elle donc en haut ?

— Oui, fit-il en hochant la tête et resta debout tout à côté de moi.

— Elle aide à chercher ?

— Oui, nous cherchons.

— On a donc enlevé son portrait ?

— Oui, figure-toi, dit-il indigné.

Mais je ne comprenais pas trop ce qu’elle voulait en faire.

— Elle veut se voir, souffla-t-il à mes oreilles.

— Ah oui, fis-je, comme si je comprenais. Alors il éteignit ma lumière. Je le vis s’étirer en avant dans la clarté, les sourcils remontés. Puis il fit sombre. Malgré moi je reculai d’un pas.

— Que fais-tu donc ? criai-je à mi-voix, et j’avais la gorge desséchée. Il sauta vers moi, se pendit à mon bras et eut un petit rire étouffé.

— Qu’y a-t-il donc ? le rudoyai-je, et je voulus me dégager, mais il tint bon. Je ne pus empêcher qu’il étendit son bras autour de ma nuque.

— Dois-je te le dire, souffla-t-il entre les dents, et un peu de salive m’aspergea l’oreille.

— Oui, oui, vite.