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chose inachevée, future. Je ne veux pas donner à mon époux ces grains déplaisants qui ne ressemblent en rien à un cadeau. Je vais plutôt les semer dans le parterre de notre jardin, et voir ce qu’ils produiront. Alors je le conduirai devant cette plante et lui expliquerai tout. » Ainsi fit la femme. Puis ils reprirent la même vie qu’auparavant. Le mari qui devait toujours penser que la Mort avait été debout devant sa porte, commença par concevoir des craintes, mais en voyant sa femme hospitalière et insouciante comme toujours, lui aussi ouvrit bientôt sa porte à larges battants, de sorte que beaucoup de lumière et de vie entrait dans la maison. Le printemps suivant, il y eut au milieu du parterre, entre les lis rouges, un petit arbrisseau. Il avait des feuilles étroites et noirâtres, légèrement pointues, semblables à celles du laurier, et un singulier éclat planait sur son obscurité. L’homme se proposait chaque jour d’interroger sa femme sur la provenance de cette plante. Mais chaque jour il le négligeait. Par un sentiment analogue, la femme remettait d’un jour à l’autre son explication. Mais la question réprimée d’un côté et la