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cette opération ? Un écrivain anglais, M. Fawcett, l’a parfaitement fait ressortir ; le bénéfice ne pourrait exister pour l’État que s’il parvenait à emprunter la somme destinée aux indemnités à un taux d’intérêt plus réduit que celui qui était la base habituelle de la capitalisation de la valeur des terres. Cette simple formule fait ressortir qu’au lieu d’un bénéfice, le rachat par l’État, au moins dans le temps présent, infligerait à ce dernier une perte considérable. Les terres, dans les pays de l’Europe occidentale, ne rapportent guère nets de tous frais — impôts, réparations, salaires de régisseurs, etc. — que 2 ½ à 2 ¾ %, exceptionnellement 3 %, du prix de vente. L’État qui peut emprunter dans les conditions les plus favorables, l’Angleterre par exemple, a rarement pu émettre un gros emprunt à un intérêt moindre de 3 %. Les autres pays paient le crédit à 3 ¾, 4, 4 ½, 5, et jusqu’à 6 %. Dans les circonstances exceptionnelles dont nous parlons, un emprunt qui devrait équivaloir à toute la richesse immobilière du pays, c’est-à-dire monter à près de 100, 120 ou 150 milliards de francs et qui exigerait une annuité de 4 milliards de francs pour la France et d’une somme plus ou moins approchante pour les autres pays, un pareil emprunt ne pourrait se négocier qu’à un taux d’intérêt beaucoup plus élevé que le taux aujourd’hui en usage. L’État serait donc en perte, et en perte, considérable, puisque les 100, 120 ou 150 milliards qu’il emprunte-