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Donc il reste à expliquer comment l’État pourrait ou devrait procéder à l’expropriation des entreprises l’une après l’autre.


Si l’État rachetait les entreprises pour conserver autant que possible l’arrangement formel actuel de la propriété, les prolétaires retireraient-ils de très grands avantages de l’opération ? Celle-ci, à supposer qu’elle fût exécutable, constituerait-elle autre chose qu’une solution purement apparente du problème ? Les capitalistes demeureraient tels, en effet, et l’énorme accroissement des impôts devenu nécessaire pour le paiement des intérêts des nouveaux emprunts publics leur permettrait d’exploiter le travailleur comme auparavant. L’unique résultat pratique serait une augmentation épouvantable de la principale matière première et de l’étendue du champ d’action de l’agiotage le plus effréné et de la spéculation la plus malsaine. Aussi M. Leroy-Beaulieu a-t-il beau jeu quand il critique le projet de nationalisation du sol :

« Comment peut-on », dit-il, « prétendre que l’État, devenu maître de toute la terre, pourrait supprimer tous les impôts, sauf les redevances des fermiers ? Certes, cela lui serait presque loisible s’il expulsait purement et simplement les propriétaires actuels et se mettait à leur place sans leur allouer aucune indemnité… Si l’État veut indemniser pleinement les propriétaires actuels, qu’il consente à leur payer la valeur courante de leur terre, quel sera le bénéfice que lui rapportera