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Mais l’expropriation violente ne serait pas facile à réaliser tant que, surtout, le processus d’accumulation et de concentration des capitaux — dont Marx a évidemment exagéré la généralité, l’extension et l’intensité — demeurerait en deçà de la limite extrême où il suffirait de « faire sauter l’enveloppe capitalistique » pour obtenir, tout mûri déjà, le régime collectiviste.

En outre, cette limite fût-elle atteinte, l’expropriation violente n’avantagerait pas la classe prolétarienne : elle lui serait même immensément funeste, à cause du nombre énorme d’ouvriers fabricants d’objets de luxe et d’individus employés directement au services des riches auxquels, la puissance d’achat des classes aisées étant anéantie d’un seul coup, il faudrait trouver des occupations nouvelles.

Ainsi la révolution apporterait de très graves dommages ; elle causerait d’incalculables désastres dans toute l’économie sociale, grâce à l’intime interdépendance de toutes les industries et de tous les commerces. Elle nuirait d’abord et surtout au prolétariat.

Les collectivistes sont donc obligés de renoncer à l’idée d’une expropriation complète et soudaine de la classe capitaliste.

Kautsky, après avoir proteste contre l’intention attribuée au parti socialiste de vouloir exproprier violemment les propriétaires privés, s’exprime comme suit :

« Un régime prolétarien doit toujours poursuivre un double but. D’une part, la suppression du caractère privé des grands monopoles