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II

De tous les arguments en faveur de l’héritage que nous avons passés en revue jusqu’ici, aucun ne nous a paru mériter d’être retenu.

Il est un argument cependant que l’on invoque pour défendre l’hérédité des biens, et dont il nous est impossible de ne pas faire le plus grand cas.

Cet argument est le suivant :

Si l’on supprimait le droit de transmettre une fortune à ses enfants ou, en général, à des êtres aimés, on supprimerait le plus énergique des stimulants au travail, à l’épargne, à l’accumulation indéniablement bienfaisante des capitaux.

On ne saurait, surtout à une époque comme la nôtre, méconnaître la force de cet argument. Aujourd’hui, en effet, d’admirables moyens techniques de production requièrent une quantité toujours croissante de capitaux : ils en absorbent d’autant plus qu’ils sont plus perfectionnés, qu’ils augmentent davantage la productivité du travail. En outre, l’épargne et l’incessante formation de nouvelles accumulations ne servent pas seulement à accroître le montant total des capitaux de la collectivité, ou à substituer des instruments techniques plus perfectionnés aux plus anciens ; elles servent aussi à rétablir ou remplacer les capitaux techniques et les capitaux-salaires (réserves de subsistances) qui se détériorent, ou que l’on consomme à mesure. De sorte que si l’épargne sur le total du produit so-