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d’une façon pleine et absolue, dans le droit de propriété, mais ils pourraient en être retirés séparément ou à la fois, et partiellement ou totalement, sans que ce droit, dont deux éléments auraient disparu ou se seraient modifiés, cessât d’être un système bien défini.

Seulement, il y a une autre façon de soutenir que le droit de tester est inséparable du droit de propriété. Et l’objection est telle qu’elle peut aisément induire en erreur. On affirme qu’en donnant ou léguant son épargne, c’est-à-dire la partie non consommée de ce que la société lui a cédé en échange de son travail, un individu n’aliène « rien qui appartienne à d’autres » et n’usurpe aucun droit[1]. Voilà encore un cercle vicieux, évidemment. Si la constitution de la propriété admet le droit complet de donner et de tester, le donateur n’aliène, en effet, rien qui appartienne à d’autres ; si elle ne l’admet pas, il dispose injustement de biens sociaux. L’apparence de solidité d’une telle objection tient à une double erreur : celle de méconnaître la réelle situation de l’ouvrier, économiquement séparé de l’instrument de production, condamné, par conséquent, à se faire exploiter par les capitalistes ; et celle d’assimiler les biens de consommation aux capitaux (instruments de production ou avances de fonds), de manière qu’on néglige de considérer l’inévitable transformation de l’épargne en capitaux.

  1. Spencer, Justice, 146.