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les rapports entre pères et enfants, fussent-ils d’une nature aussi peu relevée que ceux que maintient l’épée de Damoclès de l’exhérédation, ne se relâchassent pas trop à l’époque de la majorité des enfants, on ne pourrait en effet contester une certaine valeur à cette opinion. Mais la prémisse du raisonnement apparaîtra sans doute bien fragile.

Rappelons cet autre argument encore : les héritiers, dispensés de gagner leur vie, forment l’armée des savants et des artistes ou celle des directeurs d’administrations publiques, d’établissements de bienfaisance, etc. : la société perdrait beaucoup à ce qu’ils fussent privés de leurs biens héréditaires.

Cela est partiellement vrai en ce qui concerne les fonctions d’administrateurs, surtout pour les œuvres de bienfaisance : les héritiers de riches patrimoines, débarrassés du soin de gagner leur vie par le travail, sont particulièrement désignés pour des charges sociales non rétribuées aujourd’hui. Mais il ne faut pas oublier que le « programme minimum » des socialistes demande la rétribution de ces charges. La somme qui, de ce fait, grèverait le budget social serait infiment inférieure à la soustraction opérée actuellement dans le produit total par les rentes des héritiers.

Quant à l’autre partie de l’argument, elle est insoutenable. Si le besoin de travailler pour vivre empêchait de cultiver les sciences et les arts, la presque totalité des savants, des pro-