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On dit encore — et cet argument se rattache assez étroitement au précédent — : il est désirable pour le bonheur de la collectivité humaine que l’homme, si haut placé dans l’échelle animale, acquière le sentiment profond, de sa responsabilité envers les êtres qu’il a appelés à la vie. L’homme supérieur fait tout son possible pour assurer à ses fils non seulement une enfance, mais toute une existence heureuse. Que l’un de ceux-ci demeure, par suite d’une infériorité innée et imprévisible, incapable de lutter pour l’existence, un père hautement conscient le dissuadera sans doute de fonder une famille vouée au malheur, mais ne voudra-t-il pas aussi lui assurer les moyens de traverser la vie sans trop souffrir ? Si donc l’on veut évoquer, chez ceux qui ne les éprouvent malheureusement pas encore, des sentiments aussi élevés, aussi éminemment bienfaisants, il faut les seconder chez les hommes supérieurs, sans quoi le sens moral, au lieu de se fortifier et de s’étendre, s’affaiblira peu à peu même dans les esprits où il est formé et fortement enraciné.

Tel est cet argument. Mais on voit tout de suite qu’il ne saurait contrebalancer les critiques qu’appelle l’institution de l’héritage.

Un autre argument en faveur de l’hérédité des biens, qui a quelques points de contact avec les précédents, est celui-ci : l’hérédité contribue à fortifier les affections de famille.

Si la plus grande solidité du lien familial était réellement assurée par l’héritage et si, pour le plus grand bien de la société, il était bon que