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ici, après tant d’autres, l’examen des rapports de cause à effet entre l’inégalité de la répartition des richesses et la criminalité sociale, nous verrions se dessiner nettement un nouvel aspect fondamental du dommage causé à la société par la répartition actuelle.

En dehors de la criminalité sporadique, de forme atavique ou anormale, dans laquelle prédomine le facteur anthropologique, nous verrions que les trois grandes sources de la criminalité sont les deux extrêmes de la répartition, la trop grande richesse et la misère et, troisièmement, l’inégalité excessive de cette répartition.

La trop grande richesse assure l’impunité aujourd’hui. Jointe à l’oisiveté qu’elle encourage, elle inspire aux grands capitalistes — surtout à ceux qu’un héritage a enrichis — l’idée que l’argent leur permet tout et que, ayant des droits sur la collectivité, ils ne lui doivent rien en échange. Leur écrasante puissance sociale les pousse généralement à une vie de jouissances, de folles prodigalités de libertinage. La recherche continuelle du plaisir cause la plupart des adultères ; la soif de richesse, la prostitution légale des mariages d’argent.

La misère est, en elle-même, une conseillère de crimes. Jointe à l’abrutissement qui est sa conséquence, elle pousse une foule de malheureuses à se prostituer pour compléter un salaire insuffisant et ne pas mourir d’inanition, et elle excite, parmi les travailleurs surmenés, mal nourris, le besoin de chercher une énergie factice et un oubli momentané des tristes réali-