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supprimerait en même temps la peine prise pour obtenir cette félicité minime. Cette peine serait consacrée à la satisfaction de besoins réels ou d’une intensité plus grande. La première suppression ne diminuerait guère eu point du tout la félicité totale, tandis que la seconde suppression ou le nouvel emploi donné à la même quantité de peine l’augmenterait considérablement[1].

Nous ne posons pas ici, notons-le bien, une question de justice : à savoir s’il est juste ou s’il est injuste qu’une foule de personnes travaillent pour un petit nombre de riches, dont beaucoup, les rentiers oisifs, ne rendent en échange à cette foule de travailleurs aucun service, et dont d’autres, comme les agioteurs et les spéculateurs, leur causent même un dommage très grave ; nous ne posons ici qu’une question de rendement technique du travail de l’homme. Cette foule de travailleurs qui peinent 10, 12, 15 heures par jour pour ne procurer à aucun membre de la société la moindre quantité de bonheur de plus, ou pour créer une quantité de bonheur infinitésimale en comparaison de l’énor-

  1. Selon le dernier recensement anglais avant 1889, dans tout le Royaume-Uni, parmi les personnes salariées fournissant des services directs aux riches, la seule catégorie des domestiques s’élevait à 1.838.200, et celle des jardiniers à 83.400 ; et cela pendant que les travailleurs de la terre n’arrivaient pas même à la moitié du total des domestiques (870.000), et que les ouvriers industriels, y compris, bien entendu, ceux produisant des marchandises de luxe, n’arrivaient pas même au quintuple du nombre des domestiques (Loria, Analisi della proprietà capitalista, Torino, Bocca, 1, 470).